Enfant victime

Dans de nombreux cas de violence conjugale, les enfants subissent l'agression de l’auteur des violences directement ou indirectement en étant témoins de la violence entre adultes. Des règles juridiques différentes s’appliquent car la protection des droits de l'enfant requiert une approche différente et plus spécifique.

Les États ont l'obligation de prendre des mesures législatives ou autres pour veiller à ce que les droits et les besoins des enfants témoins de violence conjugale soient dûment pris en compte.

Jusqu'à récemment, en France, lorsqu'un enfant était exposé à de la violence conjugale à la maison sans en être la cible, il n'était pas considéré comme victime mais seulement comme témoin. Cependant, depuis 2021, la loi a changé et les enfants qui sont témoins de violences conjugales sont désormais considérés comme des co-victimes des violences.

Par conséquent, un enfant co-victime de violence conjugale a désormais le même droit d'obtenir une protection de l'État, de tenir l'auteur responsable de ses actions et de recevoir des dommages et intérêts au même titre qu'un adulte victime de violence conjugale. Toutefois, un enfant doit être représenté (par exemple, pour signer des documents et soumettre des demandes) par son représentant légal. Si le représentant légal de l'enfant hésite ou refuse d'introduire les demandes nécessaires au nom de l'enfant, le procureur de la République ou le juge d'instruction peut désigner un administrateur ad hoc qui assumera le rôle du représentant légal. Cet administrateur ad hoc sera chargé de veiller à la protection des intérêts de l'enfant et d'exercer, s’il y a lieu, les droits reconnus à la partie civile au nom de l’enfant. Cet administrateur est désigné parmi les proches de l'enfant ou sur une liste de personnes habilitées, déterminée par décret.

Éloignement de la famille ou du parent violent

Dans une situation où les enfants sont mis en danger par leurs représentants légaux - les parents ou un tuteur, et qu'il n'y a donc personne pour représenter les droits et les intérêts de l'enfant contre l'agresseur, l'enfant peut être séparé de sa famille s'il est impossible d'éliminer le risque pour l'enfant tant qu'il reste dans la famille. La loi indique que les enfants doivent rester dans leur environnement habituel et familial autant que possible et qu'ils ne doivent être séparés de leur famille qu'en dernier recours. Si la santé ou la sécurité de l'enfant est menacée, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par le tribunal. Ces mesures peuvent inclure, si nécessaire, la séparation de l'enfant de l'un ou des deux parents. Le juge peut décider de confier l'enfant à :

  • L'autre parent
  • Un autre membre de la famille ou un tiers digne de confiance
  • Un service départemental de l'aide sociale à l'enfance
  • Un service ou un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée
  • Un service ou un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé

Ces mesures d'assistance éducative sont normalement prises sous la responsabilité du juge des enfants, mais en cas d'urgence, le procureur de la République peut également prendre de telles mesures.

Retrait de l’autorité parentale

Si les parents ou le représentant légal de l'enfant mettent en danger la vie, la santé et la liberté de l'enfant, la police est tenue de le signaler immédiatement au procureur de la République. La loi française dispose qu'en cas de violence conjugale et avant d'engager des poursuites pénales, le procureur de la République doit vérifier si la violence a été commise en présence d'un mineur. Si tel est le cas, le procureur doit inclure dans le dossier de la procédure tous les éléments qui permettront au tribunal d'évaluer l'ampleur du préjudice subi par l'enfant et de prendre une décision sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de son exercice.

Le procureur de la République ne peut pas décider de la suspension ou du retrait de l’autorité parentale, seul le tribunal peut le faire. Toutefois, si l'un des parents (l'agresseur) est poursuivi ou condamné, même de manière non définitive, pour un crime commis à l'encontre de l'autre parent (comme un homicide), l'exercice de l’autorité parentale est automatiquement suspendu pour l'agresseur. Cela signifie que le parent ne peut pas exercer ses droits et devoirs parentaux (hébergement, visites etc.), mais cela ne signifie pas qu'il perd l’autorité parentale, il s'agit seulement d'une suspension de l'exercice de son autorité parentale. Cette suspension est prononcée au cours de l’enquête par le procureur de la République qui doit saisir le juge dans les 8 jours. Cette suspension dure jusqu'à la décision du juge de confirmer ou d'infirmer la suspension, et pour une période maximale de 6 mois.

Le tribunal est habilité à rendre une décision sur le retrait de l’autorité parentale du parent ou des deux parents. Le retrait de l’autorité parentale peut être total ou partiel. Le tribunal peut aussi décider de n'ordonner que le retrait de l'exercice de l’autorité parentale.

Le retrait de l’autorité parentale par le juge peut se produire dans deux situations :

  • L’autorité parentale ou l’exercice de l’autorité parentale peut être retirée par un juridiction pénale pour le parent qui est condamné comme auteur ou complice d'une infraction pénale commise à l'encontre de son enfant ou de l'autre parent.
  • L’autorité parentale peut être retirée par une juridiction civile indépendamment de toute condamnation pénale, au parent qui met manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l'enfant (par exemple, en raison d'une consommation excessive d'alcool, d'un comportement délictueux, d'une mauvaise conduite, de violences à l'égard de l'enfant ou de violences à l'égard de l'autre parent, etc.)

Assistance aux victimes d'abus

Un enfant victime de violence conjugale doit bénéficier d'une aide d'urgence gratuite, afin qu'il puisse recouvrer sa santé physique et mentale et se réinsérer dans la société. Ce traitement médical et cette réinsertion doivent se dérouler dans un environnement favorable à la santé, à l'estime de soi et à l'honneur de l'enfant, en préservant soigneusement ses secrets intimes. Les règles générales de protection des droits de l'enfant victime sont appliquées lors de toute procédure administrative, civile ou pénale.

Il est interdit à l'enfant victime:

  • D’être laissé seul, sauf dans les cas où l'enfant lui-même le souhaite et que ce choix est jugé approprié par un psychologue ayant suivi une préparation spéciale pour travailler avec des enfants ayant subi des violences
  • D’être privés de soins psychologiques ou d'une autre forme de prise en charge
  • D’être confronté à l'auteur possible de la violence (acte illégal) alors que l'enfant n'est pas suffisamment préparé psychologiquement à une telle confrontation
  • D’être soumis à des mesures obligatoires pour obtenir des informations ou à toute autre fin

Plusieurs systèmes d'aide et de soins ont été mis en place en France pour les enfants et les mères victimes de violences conjugale :

  • Les Unités d'Accueil Pédiatrique pour Enfants en Danger : Il s'agit d'unités hospitalières spécialisées dans l'accueil d'enfants et d'adolescents victimes ou suspectés d'être victimes de violences. Ces unités sont composées de pédiatres, de psychologues, d'infirmières, de travailleurs sociaux, etc. Elles peuvent fournir aux mineurs des conseils, un diagnostic et une première prise en charge médicale et psychologique. Dans le cadre des procédures judiciaires, l'UAPED permet aux enfants victimes d'être entendus par les autorités chargées de l'enquête dans des conditions appropriées.
  • À long terme, les enfants qui ont besoin d'un accompagnement psychologique peuvent s'adresser à des structures de prise en charge médico-psychologique pour les enfants, comme les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Il existe de nombreux CMPP en France. Vous pouvez trouver le CMPP le plus proche de chez vous.
  • Les femmes enceintes et les mères isolées ayant des enfants de moins de trois ans ont le droit de recevoir un soutien matériel et psychologique par l'intermédiaire d'un service national appelé « l’aide sociale à l'enfance ». Ce service est également possible pour les mineurs qui ne peuvent pas rester dans leur milieu de vie habituel et qui ont besoin d'un hébergement temporaire et de soins spécialisés.

Sanctions pénales

La présence d'un enfant au moment des violences conjugales est une circonstance aggravante pour l'infraction pénale commise par l'agresseur (violences physiques, agressions sexuelles, homicides, etc.). En effet, le droit pénal français précise que pour les infractions d'homicide involontaire et d'agression physique, les sanctions sont plus sévères lorsqu'un enfant est présent et que l'infraction est commise par le conjoint ou le partenaire de la victime. De même, les infractions sexuelles telles que le viol et le harcèlement sexuel sont sanctionnées plus sévèrement lorsqu'elles sont commises en présence d'un enfant.

Protection de l'enfance et droits de l'homme

Dans les cas où un enfant est victime de violence conjugale, des violations similaires des droits de l'homme peuvent se produire comme dans le cas des victimes adultes.

Lorsque les autorités de l'État n'ont pas pris les mesures de protection appropriées spécifiquement conçues pour protéger un enfant, il peut y avoir violation du droit à la vie privée et familiale. Par exemple, le retrait d'un enfant d'une famille ou l'octroi, sans la diligence nécessaire, du droit de garde à l'autre parent.

Il peut y avoir une violation du droit à un procès équitable dans les cas où un enfant est impliqué dans une procédure judiciaire liée à la violence conjugale et que les autorités n'ont pas assuré les garanties d'un procès équitable spécialement conçues pour protéger les enfants victimes.

Ressources

Dernière mise à jour 06/11/2023